Pensador Records Listening Party Vol. 01 est la première compilation produite par le label équatorien Pensador record.


FR

23 h, la rocade embrumée se vide, subsistent quelques caillots de véhicules près des sorties. Cap vers le nord à la vitesse constante du régulateur, température de l’habitacle 22 degrés, dehors, il fait nuit. De sa main droite April fait « Au revoir » aux bagnoles qui sortent du trafic, puis elle se tourne vers moi : ​« Un pote m’a envoyé une super compilation » ​ dit-elle, ​« Il faut que tu écoutes ça, ok ? »​ , j’ai à peine le temps de répondre qu’elle connecte son smartphone sur le système audio de notre voiture électrique. April enchaîne : ​« La compile, c’est les tracks d’une génération d’artistes sélectionnés par un nouveau label, Pensador Records, crée par José Francisco Ycaza, ici ce n’est pas tant le style qui compte, mais plutôt l’énergie qui se dégage des morceaux et donc de l’ensemble, ça peut paraître un peu étrange, mais c’est mortel, il suffit de d’oublier les idées préconçues que l’on pourrait avoir sur les phénomènes soniques, et on plane… ».

Ses yeux pétillent quand elle parle, après avoir lancé la lecture, elle enlève son pull et se cale dans le siège en glissant une Chupa Chups entre ses lèvres rose. Excitée à l’idée de partir enfin quelques jours, April ne tient pas en place, même sur l’ouverture du disque pourtant aérienne et drone, elle esquisse de grands gestes souples, probablement appris à ses cours de Qi Gong, puis ferme les yeux en répétant ces gestes.

L’asphalte sombre est régulièrement habillé d’une lumière douce, d’immenses lampadaires se succèdent inexorablement alors que les textures des sons s’épaississent. Passé l’intro de la troisième plage, et à la vue d’un panneau publicitaire à l’effigie d’une compagnie pétrolière, April vide ses poumons en gueulant : ​« Fuck you morons ! »​. Elle secoue ensuite sa tête en soubresaut sur le hardcore trépidant qui s’extrait des hauts parleurs, il me semble alors que les sièges vibrent sous les infrabasses.

Nous avons quitté la ville et l’autoroute. Pourtant l’urbain se rappelle à nous dans les sonorités qui se croisent, l’ambiance est imprégnée d’électro, de rock, de punk, de métal, de boucles, de saturations, mais aussi d’espaces cristallins… April me sourit, puis passe sa main gauche dans mes cheveux. Au moment où je la regarde, elle glisse : ​« quelle douce dystopie mon cher », en essayant de dissimuler son accent British.

« Elle me plaît cette compile » ​ lui dis-je, ​« on pourrait en acheter quelques-unes pour les distribuer aux enfants que l’on croisera là-bas… »​. Elle sourit amoureusement, alors que l’on s’enfonce dans la nuit.


EN

It’s 11 pm, the misty ring road is emptying, a few clots of vehicles remaining near the exits. Heading north at regulated speed, with a cabin temperature of 22 degrees, it’s dark outside.

April waves “goodbye” with her right hand to the cars that leave the traffic, then she turns towards me: ​“I was sent me a great compilation by a friend” she says, ​“You’ve got to listen to it, ok?”. ​ I barely have time to answer before she connects her smartphone to our electric car’s audio system. April goes on: ​“The compilation is made of tracks by a generation of artists curated by Pensador Records, a new label created by José Francisco Ycaza. It’s not so much the style that matters here, but rather the energy that emerges from the pieces, and therefore from the whole thing. Ok, it may seem a little strange, but it’s awesome, all you have to do is forget about preconceived ideas one could have about sonic phenomena, and then you get high…

Her eyes sparkle as she speaks, she removes her sweater right after she’s started the music, then sits back in the seat while slipping a Chupa Chups between her pink lips. Excited at the idea of going away for a few days at long last, April simply cannot stay still, even on the opening of the record, though aerial and drone, she sketches large soft gestures she probably learned attending her Qi Gong classes, then closes her eyes while repeating these gestures.

The dark asphalt road is regularly dressed with a soft light, huge street lights succeed inexorably as the sounds’ textures thicken. After the third track’s intro, upon seeing a billboard featuring the image of an oil company, April empties her lungs as she screams: “Fuck you morons!”​. Then she jerks her head to the hectic hardcore coming out of the speakers, it seems to me that the seats are vibrating under the infra-low.

We have left the city and the highway. Yet urbanism is reminding us of its existence within the sounds that intersect, the atmosphere is imbued with electronica, rock, punk, metal, loops, saturations, but also crystalline spaces… April is smiling at me, then she puts her left hand in my hair. As I look at her, she slips ​“What a sweet dystopia, my dear”, trying to conceal her British accent.

I dig this compilation”​ I said, ​“We could buy a few copies we’ll give away to the children we’ll come across over there…”. She lovingly smiles as we go deep into the night.

Cyprien Rose